Des accointances ? Sans doute. Le cinéma et la psychanalyse ont été « inventés » au même moment. Pendant que Freud à Vienne élaborait sa « théorie de l’inconscient et sa « traumdeutung », la première projection de cinéma avait lieu au Grand Café de Paris. Pas un hasard. Des échanges profonds et permanents. Un travail commun. Une acceptation du mystère. Un autre regard sur le monde et sur l’humanité.

L’écran cinématographique, un écran du rêve ? Dans la chambre (caméra en latin), nous rêvons. Dans la salle de cinéma, obscure, le spectateur est dans la présence d’images (et de sons) qu’il ne domine pas… Lorsque la lumière s’éteint et que les images commencent, quelle différence avec un rêve, une hallucination, ou une vision sur les quelles nous n’avons aucune prise ?
Le vrai cinéma, peut nous ‘dire’, nous donner à entendre l’indicible, ce qui échappe au langage. II touche une part obscure de nous même, ou de notre monde, et nous fait signe entre les images et les sons. Cela se produit au détour d’un raccord, d’un visage ou d’un regard, d’une lumière ou d’un mouvement, sans que l’on puisse y poser des mots. C’est peut-être cette étonnante faculté, qui s’apparenterait à l’inconscient, qui sera notre principal objet de travail.
Anne Costantini, psychanalyste et Stéphane Collin, cinéaste, de l’association Les Vagabonds Efficaces, proposent un séminaire Cinéma et Psychanalyse. Ce séminaire aura lieu tout au long de l’année : d’abord la projection d’un film sur le grand écran d’une salle de cinéma, puis une discussion, un échange entre les intervenants et le public pour construire une pensée du cinéma, une manière de regarder et écouter, un regard sur le monde contemporain.
Un des objectifs est de retisser du lien entre le spectateur et le film, pour sortir d’une vision simpliste du cinéma : un spectacle distrayant de gens qui bougent, de couleurs. Le cinéma serait ce qui résiste au discours. Le cinéma fait parler, beaucoup, et on peut dire des choses passionnantes sur les films, à partir des films, mais le cinéma serait peut-être le « dernier rempart », ce sur quoi on ne peut plus poser des mots : un mystère.
Se mettre au travail. Il ne s’agira pas de venir prendre une leçon de cinéma ou de psychanalyse. Il ne s’agira pas de venir confirmer un savoir. Il s’agira de préserver le mystère et d’élaborer une pensée au/en travail.
Laisser son savoir à l’entrée. L’idée serait de laisser de côte son savoir théorique ou son vouloir-dire, son vouloir tout-comprendre. Il ne s’agira pas de venir projeter des théories existantes sur le film, mais d’utiliser les films pour élaborer une pensée vivante, vibrante, construite au sein de ce séminaire. Élaborer une pensée à partir des échanges générés entre les spectateurs-acteurs du séminaire. Une pensée du monde, de l’humanité, du contemporain.
La pensée nait du dialogue entre nous.
La pensée nait du cinéma (projeter d’autres films, d’autres images en écho)
Ce séminaire prendra deux dimensions : une réflexion sur le cinéma et les images (dans un monde débordant d’images de toutes sortes), une pensée approche du montage cinématographique comme manière de penser, observer ce que le cinéma nous dit du monde qui nous entoure. C’est aussi avec un triple regard que nous regarderons les films : esthétique, social et politique.
Affirmer toujours que la forme même de l’œuvre d’art est politique. Dans un monde où le cinéma dominant est phagocyté par la narration simpliste et primitive primaire, proposer d’autres voix, ouvertures, d’autres pistes de lectures des films : du côté du poétique et du politique. Le cinéma consumériste des gros complexes est fourni par des studios dans lesquels sont calculées des machines à gagner de l’argent. Ce n’est évidemment pas sur ce cinéma que l’on travaillera. Nous partirons dans des contrées plus rares et précieuses, plus profondes, plus subtiles. Le cinéma là où il vient nous bouleverser, nous changer, nous faire penser, nous faire vivre.
Stéphane Collin & Anne Costantini
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